Au-delà de la censure

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L’historien et sociologue Xavier Rousseaux, Directeur de recherches FNRS UCLouvain – Université catholique de Louvain, était l’invité du débat faisant suite aux deux documentaires inédits diffusés RTBF autour de la censure. Tout d'abord un docu-fiction sur le scandale provoqué par la sortie du roman « Madame Bovary » en 1857, qui valut à Gustave Flaubert un procès devant les tribunaux pour outrage à la moralité. Et ensuite « Gorge profonde. Quand le porno est sorti du ghetto », à propos des débuts du cinéma porno « mainstream » dans les années 70 aux USA.

Xavier Rousseaux a d’abord commenté la modernité persistante de « Madame Bovary » : « Elle est le produit de la société, le miroir de son époque comme Gustave Flaubert, comme Linda Lovelace également, produit d’une société particulière qui est celle issue de la Révolution et qui, à travers les soubresauts en France de la Restauration puis du Deuxième Empire, va assurer la domination de la bourgeoise. Et la bourgeoisie, elle va se construire autour de deux valeurs à défendre : d’une part le mariage, d’autre part la propriété et c’est défendu par le fameux Code civil de Napoléon (1804) qui représente ces deux intérêts. »

Le chercheur a également souligné la situation particulière de la Belgique, en termes de censure, à l’époque de la parution de « Madame Bovary ».

« La Belgique est un excellent contre-type par rapport à la situation française parce qu’on a effectivement aussi une situation politique avec une bourgeoisie qui domine - les catholiques plutôt conservateurs, les libéraux plutôt progressistes - mais qui ont fait une alliance pour se répartir le pouvoir. Et une des valeurs partagées, c’est la liberté de la presse, donc pas question de censure préalable (…) Du coup, la Belgique et surtout Bruxelles deviennent un lieu rêvé, notamment pour tous les imprimeurs français, les éditeurs français chassés par la censure, qui vont se réfugier pour publier et inonder le marché français de publications licencieuses, érotiques, pornographiques mais aussi de publications révolutionnaires et communardes. »

Parmi les raisons du succès de « Gorge profonde », Xavier Rousseaux pointe en particulier « le lien avec la médicalisation et les fameuses enquêtes Masters et Johnson » : « Pour la première fois, ce sont les scientifiques qui disent « mais la femme peut avoir du plaisir ! ». Et le plaisir féminin devient un objet public et donc aussi un objet de consommation : il faut éduquer les gens à consommer, à répondre au désir féminin. Et on voit effectivement que cette conjonction entre cette jeunesse qui se libère et d’autres femmes qui découvrent que, oui, le plaisir existe, ça se manifeste à travers ce film qui, probablement, va être un révélateur. »

https://www.rtbf.be/auvio/detail_l-affaire-bovary?id=2865982