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L'actualité FNRS

Les mathématiques sont essentielles pour comprendre le monde moderne

Journée internationale du π et des mathématiques

semaine des maths corps texte rectangulaire

Manon Stipulanti voit les sciences « comme la construction d’une maison : les mathématiques seraient à la base, les fondations de la maison. Et les autres sciences (la physique, la biologie, l’informatique, etc.) viendraient construire autour de ses fondations le reste de la maison. »

Manon StipulantiManon Stipulanti, Chercheuse qualifiée FNRS, ULiège

© Danny Gys

Que pensez-vous de la journée internationale du π et des mathématiques ?
Puisqu'il s’agit d’un évènement international, je trouve que c’est une bonne occasion de célébrer les mathématiques. En anglais, on peut écrire la date du 14 mars comme 3/14, qui sont les premiers chiffres du célèbre nombre π ; ainsi la date du 14 mars est bien choisie pour cet évènement. C’est une journée qui permet de rendre les mathématiques plus accessibles à tous et amusante à travers diverses activités comme des conférences, des jeux ou encore la dégustation de tarte (en effet, on peut jouer sur les mots « Pi » et « pie » qui signifie tarte en anglais). Pendant cette journée, on sensibilise aussi à la beauté et à l’importance des mathématiques.

Pourquoi est-il important que les mathématiques soient mises en avant ? 
Même si les mathématiques peuvent sembler abstraites, elles se retrouvent partout dans nos vies quotidiennes et sont essentielles pour comprendre le monde moderne. Tout d’abord, elles sont un langage universel pour la science et la technologie. Sont basés sur des concepts mathématiques aussi bien des grands domaines comme la physique, la biologie, l'informatique, l'ingénierie et l’économie, que de nombreuses innovations technologiques. Ensuite, les mathématiques sont un outil fondamental pour aborder des grands défis d'actualité car la recherche développe des modèles qui permettent de comprendre et d’étudier certains phénomènes du monde qui nous entoure.

Les mathématiques sont considérées comme une branche souvent pointée comme difficile, comment redonner de l’attrait à cette discipline ?
Au travers d’activités plus ludiques comme la journée internationale du Pi et des mathématiques ou des activités de vulgarisation comme celles de MATh.en.JEANS ou Math à Modeler. Ce genre d’activités permettent de montrer que les mathématiques peuvent être ludiques et amusantes, ce qui est, selon moi, plus proche de l'essence même de la recherche en mathématiques. Ensuite, on pourrait montrer à quel point les mathématiques sont omniprésentes dans la vie de tous les jours en exhibant des cas concrets du quotidien. Et puis, les mathématiques sont belles ! L’œil sensible à l’harmonie, à la pureté et à la beauté peut également être attiré par cet aspect esthétique des mathématiques. 

Qu’est-ce que la recherche scientifique apporte à la discipline ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la recherche en mathématique est toujours cruciale de nos jours. En fait, les chercheurs et chercheuses y explorent de nouvelles théories, techniques, méthodes et solutions qui peuvent mener à des révolutions dans la compréhension du monde. De façon générale, la recherche en mathématique contribue au développement d’outils qui permettent de mieux appréhender le monde qui nous entoure et les sciences, aussi bien en développant de nouvelles branches fondamentales qu’en étendant les champs d’application. Par ailleurs, certains problèmes mathématiques mettent des siècles avant d’être résolus et nécessitent le développement de nouvelles théories avant de trouver une réponse satisfaisante, théories qui, à leur tour, engendreront de nouvelles questions mathématiques. Et ainsi va le cycle de la recherche !

Voir ou revoir les Visages de la recherche sur LN24 avec Manon Stipulanti


Pour une sociologie globale

Geoffrey Pleyers est Directeur de recherches FNRS à l'UCLouvain et Président de l’Association internationale de sociologie. Il rappelle l'importance de s'appuyer sur le fait scientifique pour garantir la démocratie. Il explique pourquoi les sciences sociales sont essentielles pour comprendre les crises que nous traversons. Il défend une approche globale de la sociologie, prenant en compte les analyses des différents acteurs mondiaux.

Les "Visages de la recherche" : une série d’émissions présentées par Pascal Vrebos sur LN24. Des chercheuses et chercheurs financés par le FNRS se confient sur leur parcours, leurs recherches, leur passion, leur manière de travailler, mais aussi leurs difficultés.


L’impact des phénomènes climatiques sur la calotte antarctique

Violaine Coulon est Chargée de recherches FNRS en glaciologie à l'ULB. Elle étudie l'impact du réchauffement climatique sur la calotte antarctique. Depuis les années 2000, la perte de glace est d’environ 140 gigatonnes par an, ce qui représente un demi-millimètre d’élévation du niveau marin. Et si on ne change rien, les chiffres d'ici la fin du siècle s'annoncent très pessimistes...

Les "Visages de la recherche" : une série d’émissions présentées par Pascal Vrebos sur LN24. Des chercheuses et chercheurs financés par le FNRS se confient sur leur parcours, leurs recherches, leur passion, leur manière de travailler, mais aussi leurs difficultés.


Comment expliquer et traiter les addictions ? La recherche avance

 Semaine du cerveau

semaine du cerveau-carrousel

À l’occasion de la Semaine du cerveau, focus sur trois axes de recherche développés par des chercheurs et chercheuses FNRS : ils visent à mieux comprendre différents types d’addiction afin d’ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.

Le dialogue complexe entre notre intestin et notre cerveau

Amandine EverardAmandine Everard, Chercheuse qualifiée FNRS, Investigatrice WEL Research Institute,
Louvain Drug Research Institute, UCLouvain

Amandine Everard cherche à comprendre le dialogue complexe entre l'intestin et le cerveau. Le microbiote intestinal, c'est-à-dire l’ensemble des microorganismes présents dans notre intestin, est un acteur central de l’axe intestin-cerveau capable de moduler les comportements alimentaires.

En effet, la chercheuse explique que « le comportement alimentaire est aussi influencé par le plaisir induit par l’ingestion de certains aliments, notamment les aliments riches en sucres et en graisses, appelés aliments palatables, qui procurent une sensation de plaisir. En effet, à la fin d’un repas, certains individus vont être tentés par une douceur sucrée afin de ressentir le plaisir qui y est associé. »

L’équipe de recherche, menée par Amandine Everard, a notamment remarqué « des dérégulations majeures du système dopaminergique » chez des animaux de laboratoire obèses. Ce qui va se traduire par « des altérations du plaisir alimentaire et de la motivation pour obtenir une récompense alimentaire ». Ce phénomène est également observé chez les sujets souffrant d'obésité.

« Lors de l’ingestion d’aliments palatables, les sujets obèses présentent une diminution de l’activité neuronale dans les zones associées au système de la récompense en comparaison à des sujets sains. Ceci peut paraître contre-intuitif dans un premier temps mais ces altérations sont apparentées à ce que l’on peut observer dans des phénomènes d’addiction. »

Ainsi, les personnes atteintes obésités « devront augmenter la quantité d’aliments palatables à ingérer pour ressentir le même plaisir alimentaire, ce qui explique la surconsommation observée dans le cadre de l’obésité. »

Des données récentes montrent que des patients qui souffrent d’obésité ont un système de la récompense qui reste altéré malgré une perte de poids de 10%. Cette altération expliquerait qu’il soit difficile, pour certains patients, de maintenir un régime sur du long terme.

La chercheuse ajoute qu’ « une modulation de l’axe intestin-cerveau en utilisant des approches ciblées sur le microbiote intestinal sont suggérées comme de nouvelles pistes thérapeutiques intéressantes à investiguer. Ceci pourrait mener à de potentielles applications cliniques visant à restaurer les altérations du comportement alimentaire notamment face à l’exposition constante à une alimentation très dense en calories. »

Everard, A. (2023). Le microbiote intestinal régule-t-il les comportements alimentaires ? Vaisseaux Cœur Poumon, vol.28, N°4

Voir ou revoir les Visages de la recherche sur LN24 avec Amandine Everard : Notre intestin dialogue avec notre cerveau

 

Addiction aux drogues : un nouveau mécanisme inattendu découvert

Alban de KherchoveAlban de Kerchove d’Exaerde, Directeur de recherches FNRS, Investigateur WEL Research Institute,
Neurophy Lab, ULB

En 2018, l’équipe d’Alban de Kerchove d’Exaerde découvre un gène jouant un rôle essentiel dans l’addiction à la cocaïne, Maged1. En effet, son inactivation rend la souris insensible aux effets de la cocaïne. Il est apparu que ce gène contrôle la libération de la dopamine, le neurotransmetteur associé au système de récompense.

Quelques années et recherches plus tard, au début de l’année 2024, l’équipe publie un nouvel article avec une étonnante découverte. La région du cerveau où ce gène joue son rôle essentiel dans l'addiction était en réalité située en dehors du circuit de la récompense. De plus, une mutation de ce gène chez l'homme est associée à un risque accru de dépendance à la cocaïne. Que nous apprend cette découverte ? Les réponses d’Alban de Kerchove d’Exaerde.

Dans quelle zone le gène Maged1 joue-t-il un rôle ? Quelle est sa fonction ?
Le gène Maged1 joue son rôle dans une petite région du cerveau située sous le cortex et le ventricule, appelée le thalamus paraventriculaire. Maged1 interagit avec des protéines qui modifient la structure de la chromatine via un mécanisme inédit dans le contexte de l'addiction. Ce processus modifie l'expression de nombreux gènes dans cette région.

Que signifie le fait que le gène se trouve en dehors du circuit de la récompense ? Qu'est-ce que cela implique dans la compréhension du mécanisme d'addiction ?
La découverte que le gène Maged1 joue son rôle en dehors du circuit de la récompense élargit la perspective des régions cérébrales à étudier dans la problématique de la dépendance aux drogues, qui rappelons-le est la 5ème cause de mortalité. Jusqu'à présent, les recherches se concentraient principalement sur le système dopaminergique et ses efférences. Cette nouvelle information met en lumière des mécanismes encore inconnus, ouvrant ainsi la voie à une compréhension plus complète des processus d'addiction et ouvrant ainsi de nouvelles perspectives thérapeutiques potentielles.

Quel genre de nouvelles pistes thérapeutiques ces récentes découvertes peuvent-elles ouvrir dans les prochaines années ? 
Le fait d'avoir associé des mutations de Maged1 et de ses protéines partenaires à des modifications de comportements chez des patients dépendants à la cocaïne montre que les découvertes faites chez la souris sont pertinentes pour l'homme. De plus, l'inhibition pharmacologique du mécanisme récemment identifié altère les effets de la cocaïne, indiquant que l'espoir d'une voie thérapeutique est fondé. Actuellement, nous cherchons à comprendre comment Maged1 affecte la fonction des neurones du thalamus paraventriculaire et quels sont les gènes dont l'expression modifiée par Maged1 expliquent ces modifications d'activité neuronale. Ces gènes pourraient devenir des cibles pharmacologiques prometteuses pour de futurs traitements. 

 

Le neurofeedback : une approche neurocognitive complémentaire au traitement du trouble de l’usage de l’alcool

Clemence DoussetClémence Dousset, Aspirante FNRS,
Laboratoire de Psychologie médicale et Addictologie, ULB

« Le neurofeedback est une technique qui permet au patient de prendre le contrôle de son activité cérébrale en temps réel. Grâce à l'électroencéphalographie, l'activité cérébrale est enregistrée et affichée sur un écran sous une forme simplifiée, comme, par exemple une barre qui monte ou descend. Ainsi, le patient visualise en temps réel son activité cérébrale et apprend à ajuster cette activité pour atteindre des objectifs de traitement, tels que l'amélioration de capacités cognitives comme l'attention ou de l'inhibition. 

Dans le cadre de cette recherche, le protocole utilisé cible les atteintes cérébrales associées à l’abus d’alcool, dans le but de rétablir les ressources cognitives nécessaires à la gestion des impulsions et des envies de consommation.

Les traitements du trouble de l’usage de l’alcool se concentrent principalement sur la médication et la psychothérapie. Si la médication peut réduire l'envie de consommer, elle ne cible pas directement les déficits cognitifs engendrés par la consommation abusive de l'alcool. La psychothérapie, quant à elle, traite les causes psychologiques de la dépendance, mais sans s'attaquer directement aux effets neurocognitifs de la dépendance à l'alcool. Le neurofeedback, en complément de ces approches, agit sur le fonctionnement cérébral, visant à rétablir ou à renforcer les capacités cognitives nécessaires au maintien de l'abstinence. »

Communiqué de presse ULB (8 janvier 2025). Dépendance à l’alcool : le neurofeedback, un complément thérapeutique prometteur

Sur quelles parties ou fonctions du cerveau le neurofeedback agit-il exactement ?
Il existe différents protocoles qui, quand on utilise le neurofeedback via l'EEG comme interface d'imagerie, visent différentes bandes de fréquences. Dans le cas de mon protocole de recherche, nous ciblons l'activité sensorimotrice (SMR) comprise généralement entre 12 et 15Hz et qui est générée par le cerveau quand nous sommes éveillés et attentifs mais relaxés, au repos. Les résultats de la littérature scientifique montrent que l'augmentation de la puissance de cette activité serait associée à une amélioration des capacités cognitives. Plus précisément mon hypothèse est la suivante : en augmentant la puissance de l'activité SMR, l'augmentation de l'inhibition thalamique interne associée, diminuerait l'intensité des biais attentionnels auxquels sont sujets les patients, libérant ainsi les ressources neurales nécessaires au réseau frontal pour mettre en place une inhibition optimale. Ainsi, dans un contexte environnemental lié à l'alcool, les patients réagiront moins intensément aux indices qui leur donnent envie de consommer et auront plus de ressources pour inhiber une tendance d'approche, de consommation. De cette manière, le neurofeedback peut aider les patients à maintenir leur abstinence.

Est-ce que tout le monde peut être réceptif au neurofeedback ?
Tout le monde peut pratiquer le neurofeedback. Cependant, l’une des spécificités du neurofeedback est que le patient devient acteur de sa prise en charge. Il doit être prêt à s’investir dans plusieurs séances pour favoriser les changements qui permettront de réduire ses symptômes.

A-t-on déjà des résultats sur l’efficacité de cette méthode ?
Le protocole SMR a déjà fait l'objet de nombreuses meta-analyses et s'est révélé significativement efficace dans la prise en charge des symptômes de pathologies comme le TDAH ou l'épilepsie. Le neurofeedback a d'ailleurs été élevé au range n°1 des approches thérapeutiques complémentaires dans la prise en charge du TDAH aux USA. Dans le cadre des addictions, l'efficacité du protocole sur lequel je travaille a d'abord été évaluée à travers d'une étude pilote menée au laboratoire de Psychologie Médicale et d'Addictologie du CHU Brugmann. Les résultats se sont révélés significatifs et ont été publiés l'année dernière (Dousset, C., Wyckmans, F., Monseigne, T., Fourdin, L., Boulanger, R., Sistiaga, S., ... & Campanella, S. (2024). Sensori-motor neurofeedback improves inhibitory control and induces neural changes: a placebo-controlled, double-blind, event-related potentials study. International journal of clinical and health psychology, 24(3), 100501.)

Est-ce que cette technique pourrait être utilisée dans le cas d’autres addictions ?
Oui tout à fait, ce protocole pourrait être utilisé dans les addictions à d'autres substances et dans les addictions dites comportementales. Toujours en complément de l'approche thérapeutique pharmacologique et psychothérapeutique, l'approche neurocognitive renforce la prise en charge. Et le neurofeedback, selon mon hypothèse, est un outil particulièrement pertinent dans le sens où il engage le patient dans sa prise en charge, de manière active et dans le sens où son but est de restaurer un fonctionnement cérébrale sain, à long terme. 


La recherche au service de l’égalité de genre

Journée internationale des droits des femmes 

8-mars-2025 

En ce 8 mars, un chercheur et une chercheuse FNRS nous éclairent sur les progrès, défis et menaces en matière de droits des femmes. Ils nous expliquent aussi comment leur propre recherche peut changer la donne. Ljupcho Grozdanovski est Chercheur qualifié FNRS en droit à l’ULiège et s’intéresse aux biais dans l’IA ; Leila Fery est Aspirante FNRS à l’ULB et spécialisée en étude de genre.

 

Détecter les discriminations algorithmiques

Ljupcho - photo

Ljupcho Grozdanovski, Chercheur qualifié FNRS, ULiège

 

Quelle place l'égalité des genres occupe-t-elle dans vos travaux de recherche ? 

Féministe convaincu (comme toute personne raisonnable), je mène des recherches sur l’Intelligence artificielle (IA), domaine dans lequel la question des biais est centrale. Dès lors que l’utilisation des systèmes d’IA est de plus en plus normalisée, on peut anticiper des instances où la prise de décisions est partiellement ou entièrement automatisée (avec peu ou pas de contrôle humain effectif) ce qui augmente le risque que ces décisions soient biaisées à l’égard de personnes « vulnérables » comme les mineurs et les femmes. L’un des sujets amplement débattus en doctrine a été celui des techniques de débiaisage de l’IA et de l’adaptation des régimes juridiques afin que des cas de discrimination dite algorithmique puissent être détectés et sanctionnés. Plusieurs de mes travaux portent, ainsi, sur les moyens juridiques qui peuvent ou doivent être déployés afin d’éviter des discriminations contre les femmes, notamment à l’accès à l’emploi. 

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

En 2019-20 je me suis intéressé à l'effet des IAs sur les conditions d’accès à l’emploi. Dans cet esprit, je me suis rendu compte du risque que l’IA exacerbe les biais dits résiduels, c’est-à-dire qui caractérisent historiquement les pratiques d’embauche, le biais topique à cet égard étant que les femmes sont moins performantes que les hommes. 

La principale question dans mes travaux en lien avec cette question a été sur la possibilité de reconnaître un droit d’accès aux preuves qui pourrait – ou devrait – être reconnu lorsque les recrutements sont faits au moyen de systèmes d’IA opaques et possiblement biaisés à considérer qu’un travailleur efficace est, en substance, un homme cis et blanc.

Dans un article paru dans la Common Market Law Review (2021) j’ai suggéré qu’un droit d’accès aux preuves soit reconnu par une lecture combinée du RGPD (art. 22) et les dispositions du droit de l’UE relatives à la lutte contre les discriminations. La directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux (2024), récemment révisée, prévoit désormais, à son article 9, un droit pour les victimes de demander la divulgation de preuves. En reconnaissant ce droit, ladite directive complète l’article 86 du règlement européen sur l’IA qui reconnaît le droit à l’explication de décisions automatisées individuelles.

Dans mes travaux plus récents, ainsi que dans mes travaux futurs, je m’intéresse aux moyens de mieux opérationnaliser l’accès aux informations pour les victimes de discriminations fondées sur le sexe/genre, mais pas uniquement. À cette fin, et en m’inspirant de la jurisprudence émergente sur les discriminations dites algorithmiques, j’essaie de clarifier les besoins concrets des victimes visant à connaître certaines informations liées au traitement automatisé de leurs données. C’est le cas dans cet  article paru dans l’International Journal of Law, Ethics and Technology (2024. Dans un esprit similaire, dans le cadre du PDR-FNRS (KNOW.THY.AI, accordé en 2024), on envisage de lancer une consultation publique en Belgique, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en l’Italie, afin de clarifier davantage les besoins d’information que j’ai évoqués, me permettant d’in fine proposer un modèle de justice ‘algorithmique’ fondé sur la transparence informationnelle effective et non pas déclarative.

De manière plus générale, comment la recherche fondamentale peut-elle contribuer à l’égalité de genre ? 

D’abord, par une plus grande inclusivité des chercheuses dans des secteurs historiquement considérés comme « masculins » l’exemple souvent cité à ce titre étant celui des sciences dites dures (physique, informatique, mathématique etc). 

Il faudrait, ensuite, réaliser davantage de recherches, notamment dans les sciences sociales, qui examinent comment les stéréotypes liés aux genres déterminent les opportunités, l'éducation à l'avancement professionnel. Les recherches récentes dans le domaine des nouvelles technologies sont marquées par un relatif renouveau de l’intérêt des préjugés inconscients et donc, invisibles mais bien présents, notamment au niveau de l’accès à l’emploi.

Enfin, les chercheuses et chercheurs ont une responsabilité dans la lutte active contre le retour de stéréotypes moyenâgeux visant les femmes. Les développements politiques aux Etats-Unis concernant la restriction du droit à l’avortement sont alarmants. Nous devons donc proposer des solutions fondées sur des données empiriques. En tant que chercheuses/chercheurs, nous avons la responsabilité d’être « la voix de la raison (scientifique) » aux côtés des législateurs, afin que les réglementations en vigueur et à venir puissent faire appliquer le principe d’égalité de manière - réellement - effective.

 


 

Lutter contre les réactions hostiles

Leila-photo

Leila Fery, Aspirante FNRS, ULB

 

Comment la recherche fondamentale peut-elle contribuer à l'égalité de genre ?

La recherche fondamentale peut permettre de mieux comprendre les inégalités de genre, notamment en identifiant les facteurs sous-jacents qui perpétuent les discriminations et en analysant leurs conséquences. Néanmoins, elle n’est pas suffisante pour voir advenir un changement dans la société. C’est pourquoi il est, selon moi, primordial de créer des ponts entre les mondes académiques, associatif et politique. 

Quel impact les décisions américaines visant à interdire une liste de mots liés à la diversité et au genre dans les programmes de recherche ont ou auront-elles sur les droits des femmes et sur la recherche relative à cette problématique ?  

Tout d’abord, je voudrais rappeler que la sociologie n’est pas prospective. Ce n’est pas notre rôle. Ensuite, l’élimination de ces mots s’applique actuellement aux centres de recherche liés au pouvoir fédéral étatsunien. C’est une attaque brutale et directe contre des champs de recherche. Il est important de souligner que les sciences sociales ne sont pas les seules concernées. Par exemple, dans le domaine médical, il ne sera plus possible de tenir compte des conséquences genrées d’une maladie ou de comprendre en quoi le changement climatique impacte différemment les femmes et les hommes. Il s’agit d’une éradication pure et simple de toute production de savoir sur les sujets liés au genre, et plus largement aux minorités et donc à l’équité. Je souhaite également souligner que les politiques de diversité, équité et inclusion (DEI) sont aussi touchées. Cela signifie très concrètement une suppression des mécanismes d’action positive. Appliquée au domaine de la recherche, il s’agit, par exemple, d’abroger des mentorats spécifiques pour que les femmes chercheuses obtiennent des postes dans le milieu académique. Cette décision se fait sous volet d’un faux argument de méritocratie, qui revient à supprimer toutes possibilités de soutenir la carrière scientifique des femmes et plus largement de toutes les personnes minorisées.

Selon vous, quels sont les défis à venir pour les droits des femmes ?

Selon moi, un défi important qui se pose est celui des hommes et des masculinités. En effet, l’écart en matière d’idées progressistes se creuse entre femmes et hommes. Des politiques publiques ont été menées ces dernières décennies dans le but de réduire les inégalités de genre mais principalement en se concentrant sur les femmes. Il est désormais crucial d’accompagner les hommes dans ce changement pour éviter des réactions hostiles, masculinistes ou antiféministes. Par exemple, le récent procès dit « des viols de Mazan » a remis sur le devant de la scène de façon spectaculaire que les violences sexistes et sexuelles sont perpétrées par des hommes de tout âge et issus tous les milieux socio-économiques mais aussi que différents représentants des institutions médicales et judiciaires n’étaient pas suffisamment formés sur ces questions. Certes, cet exemple est emblématique mais il est important de rappeler que les violences sexistes et sexuelles font partie d’un continuum et que nous sommes tous et toutes concernés. Selon moi, il est important que ce travail auprès des hommes et des garçons soit pris en charge de façon collective. Il peut passer par de l’éducation dans les milieux scolaires mais aussi de l’éducation permanente. Il existe d’ailleurs déjà des associations qui réalisent ce travail de réflexion autour des masculinités mais elles sont encore peu nombreuses. 


La robotique et l’IA sont-elles nos alliées ?

Marco Dorigo est Directeur de recherches FNRS en robotique et IA à l’ULB. À l'avenir, nous devrons composer avec de plus en plus de robots dans notre vie. Marco Dorigo s'inspire de l'organisation que mettent en place les fourmis et les essaims d'abeilles pour coordonner de grands groupes de robots afin que ces derniers soient capables à leur tour de coopérer entre eux et avec nous.

Les "Visages de la recherche" : une série d’émissions présentées par Pascal Vrebos sur LN24. Des chercheuses et chercheurs financés par le FNRS se confient sur leur parcours, leurs recherches, leur passion, leur manière de travailler, mais aussi leurs difficultés.