Octobre rose
Traitements innovants et détection précoce : le rôle essentiel de la recherche dans la lutte contre le cancer du sein
Chaque année, plus de 11.000 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués en Belgique, soulignant l’importance cruciale de la recherche.
Alexandra Van Keymeulen est Maître de recherches FNRS et Promotrice principale Télévie à l’ULB. Elle est biochimiste au sein du laboratoire Cellules Souches et Cancer.
En ce mois d’Octobre rose, et à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le cancer du sein, nous l’avons interrogée sur les avancées, les défis et les espoirs liés à la recherche contre cette maladie.
- Quelles sont les avancées majeures dans la recherche sur le cancer du sein ?
Il y a eu énormément d’avancées récentes en ce qui concerne le cancer du sein !
Tout d’abord, au niveau de la classification des tumeurs, il a récemment été montré que les cancers de type triple négatifs peuvent être divisés en différentes sous-catégories, qui vont permettre de mieux anticiper quelle thérapie sera la plus adaptée pour chacune d’elles. Au niveau des lésions précancéreuses, là aussi on peut maintenant les classifier en différents sous-types.
Ensuite, en termes d’approches thérapeutiques, la compréhension des mécanismes impliqués dans le développement tumoral a permis de développer de nouvelles stratégies : un nouveau traitement ciblé a tout récemment été mis sur le marché, il s’agit d’une molécule ciblant la mutation PIK3CA, très fréquemment retrouvée dans les cancers du sein. Ce traitement concerne les cancers du sein de type ER+ à un stade avancé. Les traitements ciblés contre les cancers de type HER2 ont été améliorés et sont plus efficaces. Des traitements d’immunothérapie se sont montrés efficaces contre les cancers de type triple négatifs en stades précoces.Une nouvelle classe de molécules exploitant la dépendance au fer des cellules cancéreuses résistantes permet d’éliminer les métastases dans des modèles de cancer du sein chez la souris constitue une piste prometteuse à tester chez les patientes. Pour les femmes porteuses d’une mutation BRCA les prédisposant au cancer du sein, un vaccin, qui permettrait d’attaquer les cellules cancéreuses à un stade précoce, est en cours de développement. Et bien d’autres études de recherche fondamentale ont identifié de nouvelles cibles potentielles.
Au niveau de la détection des cancers, il y a également eu des avancées majeures, que ce soit au niveau de l’imagerie, plus précise et permettant une détection plus précoce, et au niveau des biopsies liquides. Celles-ci semblent permettre, par une simple prise de sang, de détecter la présence de cellules métastatiques et donc de détecter une rechute ou résistance au traitement. Des études sont en cours pour valider cette méthode.
- Quels sont les plus grands défis que vous rencontrez dans vos recherches ?
Le plus grand défi est certainement le financement des recherches ! Si les technologies développées ces dernières années permettent des avancées impressionnantes dans la compréhension des mécanismes menant au cancer, leurs coûts sont énormes et souvent difficiles à couvrir.
Ensuite, il est parfois compliqué pour le grand public de comprendre l’intérêt de la recherche fondamentale, pour laquelle il est difficile d’entrevoir directement des applications concrètes. Pourtant, la compréhension des mécanismes précoces impliqués dans l’apparition d’une tumeur est cruciale et permettra la mise en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques ou diagnostiques.
- Quel rôle joue, aujourd’hui, l'intelligence artificielle dans vos travaux de recherche ?
L’intelligence artificielle est essentiellement utilisée pour l’analyse et la quantification des images, ce qui permet un gain de temps conséquent. Elle constitue un 3ème œil dans le diagnostic, qui permet parfois de détecter des petits changements que nous ne voyons pas. On espère qu’elle permettra prochainement de prédire la réponse aux traitements pour les patientes.
- On entend que l'IA permettrait une prise en charge plus personnalisée, est-ce que vos recherches vont dans cette voie ?
Je ne pense pas que ce soit l’IA en elle-même qui permettra une prise en charge plus personnalisée. C’est la compréhension des particularités de chaque tumeur et chaque patiente qui permettra cette prise en charge personnalisée. L’IA accélère nos recherches, mais cela fait des années que nous nous dirigeons vers une prise en charge de plus en plus personnalisée.
- Quel sont les objectifs de recherche sur le cancer du sein dans les prochaines années ?
La recherche fondamentale permettra une meilleure connaissance de la maladie et des mécanismes impliqués, ce qui mènera à la réalisation de nos objectifs. On vise àe mieux pouvoir évaluer le risque de rechute d’un cancer et le risque de progression des lésions bénignes, afin de permettre une désescalade thérapeutique pour les patientes à bas risque. Des traitements préventifs pour les personnes présentant une prédisposition génétique constituent également un objectif. L’amélioration des traitements, avec une diminution des effets secondaires et une meilleure qualité de vie pour les patientes, reste cruciale. La compréhension des mécanismes impliqués dans la réactivation des métastases dormantes et dans la résistance aux thérapies reste encore un grand défi pour les années à venir.








